Subvention de Rs 50 sur les médicaments : la fronde des pharmaciens
Par
Javed Sobah
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Javed Sobah
La subvention de l’État sur les médicaments, annoncée le vendredi 19 décembre, s’applique désormais non plus à trois médicaments seulement, mais à onze depuis le vendredi 26 décembre. De quoi réjouir les consommateurs, mais pour les pharmaciens et les grossistes, c’est une « décision brutale, mal préparée et potentiellement ruineuse ».
Le gouvernement accorde une subvention de Rs 50 sur les boîtes de médicaments vendues à Rs 100 ou plus. Initialement, annoncée le 19 décembre pour les produits antidiabétiques, antihypertenseurs et cardiovasculaires, la mesure a été étendue le 26 décembre à onze catégories, incluant antiacides, anticancéreux, produits biologiques, inhalateurs, vaccins, analgésiques/antipyrétiques, anthelminthiques et antifongiques. L’entrée en vigueur est prévue pour le 15 janvier 2026, à Maurice comme à Rodrigues. Cette initiative vise à stabiliser les prix et à alléger la charge financière des familles, garantissant l’accès aux médicaments essentiels.
« À quel prix ? Celui d’un transfert pur et simple des coûts vers les pharmaciens ? » s’interroge Ashwin Dookun, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM). Tout en se disant favorable à cette subvention, il souligne, non sans inquiétude : « Certes, c’est un véritable cadeau du Nouvel An pour les consommateurs, mais un cadeau empoisonné pour les pharmaciens. Nous serons désormais contraints de faire jusqu’à 15 déclarations par an, ce qui alourdira fortement les charges administratives et salariales. Ils auraient dû y penser ».
La section 7D de la New Regulation 131 – Consumer Protection (Pharmaceutical Products) stipule : « Aux fins du règlement 7A, tout détaillant et grossiste enregistré doit soumettre électroniquement au Directeur général une déclaration indiquant les détails de son stock de biens de consommation à la date d’entrée en vigueur des présents règlements, ainsi que toute autre information requise par le Directeur général… » Ce qui porte le nombre total de déclarations à la Mauritius Revenue Authority (MRA) à 15, comprenant les quatre trimestrielles et l’annuelle.
« Combien devrons-nous encore investir, à perte, pour financer des projets de subvention ou d’allègement décidés sans nous ? Nous ne pouvons pas accepter de travailler à perte », soutient Ashwin Dookun. Il rappelle que depuis 2023, les pharmaciens opèrent sous un Regressive Mark-Up, réduit de 21,6 % à 16,6 %. Par exemple, sur une boîte de Telma 20 mg, médicament antihypertenseur vendu à Rs 100, une pharmacie ne gagne depuis 2023 que Rs 16,60 de profit.
« Une décision prise par l’ancien régime après la Covid, possible uniquement grâce à la compréhension des 460 membres de la PAM. Les réalités ne sont plus les mêmes. Cette façon de faire se répète, cette fois-ci avec ce gouvernement de l’Alliance du Changement », fustige Ashwin Dookun.
Autre fait souligné, le ministère du Commerce a pris la décision de cette subvention sans consultation avec les acteurs du secteur. « Nous aurions proposé que cette subvention soit appliquée à la source, évitant ainsi les coûts additionnels. Il est encore temps de rattraper le coup pour le bien du secteur et des consommateurs. Il est nécessaire d’organiser une rencontre urgente avec le ministre Michael Sik Yuen avant l’entrée en vigueur de cette subvention », réclame le président de la PAM. « Il y a plusieurs passages ambigus. Nous demandons un ajustement du taux du Regressive Mark-Up à 16,6 % », conclut-il.
L’équilibre déjà fragile du secteur est menacé. Sans ajustements rapides sur les modalités, ce doux cadeau aux consommateurs sera une facture salée pour les pharmaciens et les grossistes à Maurice et à Rodrigues.
Contacté à ce sujet par Le Défi Quotidien, le ministre du Commerce, Michael Sik Yuen, s’est montré catégorique : « Il s’agit d’une décision prise par mon ministère en tant que mesure sociale, afin d’alléger le fardeau des personnes souffrant des 11 conditions listées, et non d’un cadeau de fin d’année, comme certains le prétendent. Cette mesure a été adoptée en tenant compte de tous les tenants et aboutissants. Elle a d’ailleurs été présentée au Conseil des ministres à deux reprises avant d’être avalisée. »
Le ministre a regretté de ne pas avoir pu introduire cette mesure plus tôt : « À la base, nous comptions sur sa mise en vigueur en novembre, au plus tard en décembre, mais la complexité du dossier fait qu’elle ne sera effective que le 15 janvier 2026. Tous les stakeholders doivent désormais suivre le pas. Nous ne considérons pas que cette mesure entraînera une augmentation significative de leurs coûts d’exploitation. »
Poursuivant, Michael Sik Yuen a ajouté : « Par ailleurs, nous comptons alléger davantage le fardeau des Mauriciens et des Rodriguais souffrants. Nous finalisons actuellement le plan de Parallel Import des produits pharmaceutiques, qui constitue une solution aux pénuries récurrentes et permettra, bien entendu, une baisse conséquente des prix des médicaments. » Cette mesure est attendue en 2026.